Si il y a bien un sujet qui me passionne et que j'aime explorer toujours de plus en plus en profondeur depuis que je suis artiste, il s'agit de la question des prix.
Depuis le tout début, à chaque fois que j'essaye d'exprimer ma vision de l'argent, les réponses de l'extérieur vont souvent à contresens de ce qui me semble juste pour moi.
On me dit (avec énormément de bienveillance et d'amour, toujours) que: -Mes prix sont trop bas -Mes prix dévalorisent mon travail -C'est important que je donne plus de valeur à mon travail parce que je mérite de vivre décemment
Ce qui ressort pour moi dans ces messages, c'est que d'une part la valeur de mon travail est étroitement corrélée au prix auquel je le mets en vente. Et d'autre part, un souci, une attention pour que ce que ce qui s'apparente à une dévalorisation de mon travail ne me mette pas dans une précarité financière. Et c'est très touchant que des personnes se soucient de mon indépendance financière et m'en fassent part. Mais j'ai la sensation que ce souci, parle plus des personnes qui m'écrivent que de moi, car moi seule connaît ma situation personnelle et matérielle. Si je fais le point de ma situation dans le présent, je vois que toute une série de choix et de décisions m'ont menée à habiter dans un écolieu, en colocation avec 6 adultes et 5 enfants.Avec tous les enjeux que ça implique en terme de vivre ensemble, mais aussi tous les cadeaux et les facilités qu'amènent le fait de mettre en commun les ressources et d'être soutenue au quotidien par les personnes avec qui je vis.. A cela s'ajoute qu'il s'agit d'un écolieu géré en coopérative, il n'y a pas de propriétaire, nous sommes tous et toutes locataires de notre chambre et des espaces communs.Les loyers pratiqués sont bas, en échange d'une dizaine d'heures par semaine à gérer le lieu et la société.En habitant ici je suis libre, je n'ai pas de gros prêt à rembourser, je peux déménager facilement si cette situation n'est plus ajustée à où j'en suis, c'est léger et joyeux. Et même si actuellement je n'ai pas assez d'entrées d'argent pour assurer mes dépenses fixes, j'ai un peu de sous de côté qui me permettent de compenser et d'être pile poil bien :) (merci infini à la moi d'il y a 10 qui même en étant au SMIC mettait de côté par peur du manque ^^) En bref, si je me pose dans mon corps et prends le temps de ressentir ce qui vit en moi en profondeur, ce qui émerge c'est que dans le présent, je n'ai aucune urgence, aucune nécessité de gagner beaucoup d'argent, ni de mettre en place des stratégies qui viseraient à faire fructifier mon travail. Parce que aujourd'hui, tout est pourvu pour moi selon ma manière d'appréhender ma réalité. Peut être que dans 1 ou 2 ans je n'aurais plus de sous de côté. Ou peut-être que dans un an ou deux, le projet de livre sur lequel je travaille avec Hélyette depuis 2 ans va décoller et que je recevrai beaucoup d'une manière ou d'une autre. Je ne sais pas quelle sera ma réalité d'ici quelques années, la seule chose que je sais, c'est que je n'ai plus envie de prévoir ni d'avoir peur par anticipation. Aujourd'hui je me sens libre. Et c'est cette liberté qui me permet de sortir de cette corrélation entre la valeur de mon travail et le prix auquel je le propose.Pour moi la valeur de mes aquarelles n'a rien à voir avec leur prix de vente, et ce que ça m'apporte de peindre n'est ni quantifiable, ni mesurable de manière tangible. J'ai peint mes premières aquarelles pour préparer la naissance de Cléophée, et c'est un cadeau inestimable la manière dont elles ont infusé en nous et autour de nous et nous ont porté.e.s pour que sa naissance soit comme une fête, avec beaucoup de douceur et de souveraineté.J'ai peint mes deuils invisibles, ces deux petits êtres qui m'ont traversée sans s'incarner, et ce fut tellement beau et réparateur de parvenir après des années de silence à poser sur le papier cette réalité que je ne m'autorisais pas à regarder. C'était bouleversant d'apprivoiser une partie de mon histoire en la mêlant à l'eau et les pinceaux. J'ai peint ma colère, je l'ai regardée, intégrée, acceptée, et elle s'est dissoute dans l'eau, me laissant découvrir des espaces en moi où la colère n'est plus là, des lieux intérieurs baignés d’une douce lueur, où tout est parfaitement accordé entre ce que je porte en profondeur et ce qui me traverse depuis l’extérieur.
J'ai peint ma séparation et je me suis réconciliée avec l'histoire de ma lignée, allégée du poids d'un héritage appartenant au passé. Ces aquarelles m'ont mise sur un chemin de souveraineté intérieure, m'ont appris à ne plus fuir, mais à regarder ce qui vit en moi en profondeur et à ne plus avoir peur de le guider vers la surface, pour mieux l'accepter et l'accueillir. Ces aquarelles me soignent, me réparent, avec une douceur et une tendresse infinie, c'est comme une infinité de câlins de l'Invisible que je reçois en abondance depuis un peu plus de 3 ans. Et vu sous cet angle, ça me paraît insensé de vouloir en tirer un gros bénéfice monétaire. Parce que j'ai déjà tellement reçu à travers elles que je n'ai pas besoin de demander encore plus, je suis déjà bénie, comblée, je ne désire pas faire fructifier ce travail sur le plan matériel. Alors j'ai choisi de proposer un vingtaine d'aquarelles originales à plusieurs prix, avec une fourchette de départ très basse pour des œuvres originales (20 à 30€). Ce prix de départ, c'est essentiellement parce que je suis dans un système où j'ai des taxes à payer pour pouvoir exercer mon activité, et pour pouvoir acheter des pigments, des pinceaux et du papier.
Pour le reste, ces aquarelles ne m'ont presque rien coûté, à part du temps, de la présence, de la créativité et de la patience, qui sont des ressources données, gratuites, offertes à chaque instant, et dont je dispose à l'infini.
Et c'est très pétillant et joyeux de me dire que des personnes pourront peut être se les procurer alors que l'art n'est pas accessible pour elles d'ordinaire.C'est très satisfaisant et apaisant de penser que peut-être elles vont continuer de prendre soin d'autres humain.e.s qui en ont besoin comme ça a été le cas pour moi.Je termine avec ces mots écrits récemment :
« Je me remplis jusqu'à être comblée, Je nourris mes sens, jusqu'à être complètement éveillée Je désire jusqu'à ne plus éprouver le manque Je reçois jusqu'à ne plus pouvoir faire autrement que donner". Voilà, il est venu le temps du don.Je souhaite de tout cœur que ces œuvres originales trouvent leur chemin vers d'autres chouettes humain.e.s Et je me réjouis que cette médecine qui est la mienne puisse par ricochets se diffuser dans d'autres foyers. Je te souhaite une belle semaine, jonchée de petites joies et de jolis frissons, Avec Amour, toujours Elise |